Tu remarquas que le jeune homme était assez poli et bien élevé. Il enlevas immédiatement ses chaussures lorsque tu le lui demandas, et tu en fis de même. Tu dénouas les lacets de tes godillots en cuir marron, avant d’attraper de tes grandes mains, les deux paires de chaussures pour les ranger dans quelques minutes. Tu fixas de nouveau cette chevelure particulière, de deux couleurs. Tu ne savais pas si c’était une tendance chez les jeunes, mais tu te demandais ce qui pouvait bien pousser une personne à se teindre de cette façon. Sûrement une mode ou quelque chose comme ça. Tes cheveux noirs corbeau te suffisaient comme ça, tu n’avais même jamais pensé à leur faire quoi que ce soit. Cependant, peut-être que bientôt, tu devrais passer chez le coiffeur pour dompter cette tignasse sur ton crâne.

Tu l’écoutas avec une attention marquée lorsqu’il répondit à ta question sur l’odeur ou la présence de cigarettes. Tu devrais te retenir d’en fumer une s’il était dans les parages. Tu pouvais bien t’en passer, mais parfois, c’était un automatisme que tu ne pouvais pas contrôler. Après ceci, tu te contentas d'acquiescer poliment avant d’entrer dans l’appartement, lui intimant de faire la même chose avant de refermer la porte derrière lui. Tu déposas tes clés sur le porte-clés mural, et t’activas à ranger les chaussures dans un meuble prévu à cet effet. « Vous pouvez poser vos affaires ici » lui dis-tu en indiquant un endroit à même le sol. Tu savais que ton domaine était impeccable alors sur le coup, tu ne te posas pas plus de questions. Après une courte pause, tu passas devant lui pour te diriger dans ta cuisine, et ouvrir la petite fenêtre pour faire de l’air, et ainsi essayer de faire partir les effluves de nicotine qui pouvaient traîner dans le lieu de vie.

« Je vais vous prêter un pantalon, ensuite je poserai le vôtre sur le radiateur pour qu’il sèche rapidement. Je suis désolé pour le temps que cela prendra, je ne peux vous offrir de solution plus rapide ...  » Petite note à toi-même : acheter un sèche-cheveux, pour éviter que cette situation se répète. Tu n’étais jamais trop prudent, alors tu penserais à investir même si tu n’en avais aucunement l’utilité. Tu évitas de le toucher en passant à côté de lui, même si malgré tout, tu sentis son odeur. Une odeur que tu te surpris à apprécier. Tu chassas rapidement ce songe, pour éviter de sombrer dans une nouvelle folie qui te coûterait ta liberté. La porte de ta chambre s’ouvrit donc, et dans celle-ci, se trouvait également la salle de bains. Avant de lui prêter quoi que ce soit, tu avais besoin de savoir quel genre de vêtement pourrait lui aller. Parce qu’il était plus petit que toi. Ce fut avec une concentration intense que tu fixas sa silhouette pendant un long instant. Tu essayas de visualiser ta collection de fringues avec ses jambes fines et son allure d’adolescent. Tu étais bien trop grand, à part lui prêter un jogging et le resserrer à fond, tu avais peur qu’un jean lui glisse sur les cuisses.

Ton inspection terminée, tu plongeas ta main dans ton armoire extrêmement bien rangée, et en sortis un jogging noir tout simple. « Vous pouvez vous changer, je vais préparer un thé pour vous faire patienter. Vous pourrez étendre votre vêtement sur le radiateur de la chambre ...  » Les instructions données, tu lui tendis le survêtement, tout en le fixant intensément, son parfum emplissant ton nez.

Tu continuais de le fixer un moment, le temps qu’il se décide à prendre le vêtement que tu lui tendais. Tu n’étais pas du tout embarrassé par la situation, mais peut-être plutôt curieux. Il était inédit que quelqu’un soit dans ton appartement, ton espace, ton lieu, ton chez-toi. Tu en venais à oublier pourquoi tu l’avais approché la toute première fois. Mais si tu prenais le temps d’y réfléchir deux secondes, tu te rendrais compte qu’il n’avait pas peur de toi, et de par son comportement, il ne te reconnaissait pas. Cela aurait pu te soulager, et classer l’histoire. Oui, si seulement, tu te rappelais de tout ça maintenant. Tu te dirigeais vers la cuisine pour préparer de l’eau chaude, que tu faisais bouillir dans l'appareil adéquat, et attendis patiemment que la bouilloire électrique fasse son travail. Tu te perdais dans tes pensées une nouvelle fois, en observant le vide devant toi, même si on pouvait s’imaginer que tu regardais avec un intérêt certain la faïencerie de ta petite cuisine. Tu te repris rapidement en entendant la porte de ta chambre s’ouvrir quelques minutes après que l’inconnu y soit entré. Tu ne lui accordais pas tout de suite ton attention, tu fis mine d’être occupé en sortant deux tasses de ton placard, au-dessus de ton évier.

Tu les posais sur la petite table en bois derrière toi, les installant de façon méthodique, calculée, minutieuse. Ce fut à cet instant que tu portas ton regard sur lui, sur sa tenue, sur ton pantalon, sur lui. L’image était presque risible, si seulement tu avais des émotions normales, humaines. Tu te mis alors à le dévisager. D’abord parce que tu ressentais une chaleur étrange dans ta poitrine parcourir tout ton corps. Ensuite parce que tu le trouvais étrangement adorable dans tes vêtements. Et pour finir, parce que l’envie de le voir plus souvent chez toi, dans tes vêtements, te traversait l’esprit. Tu avais envie de chasser toutes ces étrangetés de ta tête, mais lorsque tu te concentrais sur son visage, sur ses yeux vairons magnifiques, tu descendis ton regard sur ses joues qui étaient drôlement roses … Puis sur ses lèvres. Pour terminer dans son cou, lequel était chatouillé par de petites mèches rebelles. Tu en restais pantois, pendant plusieurs secondes, sans pouvoir prononcer un seul mot. Tout ceci te décontenançait.

Comme hypnotisé par sa beauté, cette beauté que tu n’avais pas remarquée avant maintenant, tu t’approchais de lui, doucement, très doucement, comme pour ne pas l'effrayer. Tu t’arrêtais à moins d’un mètre de lui, le regardais de toute ta hauteur, et levais ta main, comme pour toucher son visage. Mais celle-ci s’arrêta dans son élan sans que tu ne puisses continuer ton geste. Ton regard surpris rencontra alors les yeux de l’inconnu, tu ne savais plus quoi faire, ni quel mot employé pour justifier cette tendresse soudaine. « Je vous prie de m’excuser … Je ... » Tu étais perdu. Finalement tes doigts vinrent toucher du bout des doigts la chevelure bicolore du jeune homme, remettant quelques mèches mélangées çà et là du bon côté. « Vos cheveux étaient … Mal placés. » Pour la première fois de ta vie, tu étais embarrassé, et tu ne savais plus où te mettre. Tes yeux posés sur les cheveux moitié blancs, moitié rouges, tu penchais légèrement la tête, un mince sourire aux lèvres, comme pour masquer ta gêne, et dirigeais de nouveau ton regard dans le sien. « Je dois vous avouer que … Mes vêtements sont trop grands pour vous. »