Une perle dans un océan pourpre.
Personne n'aime les quartiers chauds. Une personne sensée n'irait jamais se perdre là-bas. Par contre si vous cherchez des putes et de la drogue, vous entrez dans la bonne rue. Ce soir-là, celui du sept août deux mille deux, ce fut un massacre. D'horribles cris s'échappaient d'un bordel perdu dans le labyrinthe de ruelles de Shinjuku. Bizarrement, à l'entente de ces hurlements déchirants, tout le quartier paraissait calme, comme si le monde entier se faisait tout petit. Des traces de sang, tel un chemin, menaient vers une immense chambre aménagée confortablement. Un lit au sol, posé sur des tatamis clairs, accueillait en son sein une femme dont le visage était tiré par la fatigue et la douleur. L'envie d'en finir était plus que visible, mais elle n'abandonnerait pas. Elle se forçait à bien respirer, à être patiente contre son gré, mais plus les minutes passaient et plus elle lâchait prise … Et puis un tout nouveau cri perturba le récent silence de la femme. Elle regarda par-dessus ses jambes, les détendant peu à peu, engourdies par l'effort, alourdies par la fatigue et tendit tant bien que mal ses bras vers la petite chose enroulée dans un Kimono luxueux. Un homme la rejoint lorsqu'enfin, le petit corps fut soutenu par sa maman épuisée. Elle fixa le nouveau-né sans aucune réaction, l'homme ne pipait mot, attendant quelque chose d'elle, il appréhendait … Et un sanglot massacra la longue attente de toutes les personnes de la pièce. Des larmes, et un sourire. Celui d'une mère comblée. Yasuhisa Katsuki Loki, tel était ton nom.

Ton enfance n'a pas été facile pour tes parents. Tu étais le genre de gamin à courir partout, et quasiment toute la journée. Dans une immense demeure typiquement japonaise, tu as pu explorer autant que tu le voulais lorsque tu as appris à marcher tout seul et t'enfuir de la vigilance de ta mère. Cette femme courageuse qui ne s'énervait jamais après toi, qui te couvrait d'amour et de bisous alors que toi, tout ce que tu voulais, c'était gambader. Ton père lui essayait de te faire les gros yeux, d'utiliser sa voix forte pour t'interdire de toucher aux katanas familiaux, de grimper aux portes-kimono des chambres, de perturber les siestes de ta mère et tout un tas de choses, dont tu ne te souviens plus très bien aujourd'hui. Tu étais une tornade, et il était difficile de te garder assis sur une chaise. Au moment des repas, c'était une paire de manches. En effet, ton paternel, Yakuza de plusieurs générations avant lui, comptait des dizaines de gars sous son "commandement". Quand il s'agissait de manger, d'organiser des fêtes et de se réunir, tu étais le premier content. Durant ces réunions de famille, tu aimais demander à tout le monde de montrer ses tatouages et de raconter leur histoire. Dans toute ton enfance, tu avais du demandé au moins trois fois à chaque personne du clan Yasuhisa. Les gars t'adoraient, même si certains étaient fatigués de te voir virevolter comme une feuille au grè du vent. Tu étais parfois insupportable, une tornade destructrice emportant tout sur son passage … Ah, la belle époque de l'innocence.

Pour compenser ces élans d'énergie, ton père décida de te "forcer" à t'entraîner aux arts martiaux. C'était la tradition, même si tu étais encore très jeune, tu étais initié encore plus tôt que lui l'avait été gamin, et il en était très fier. Si ton père a directement remarqué ta capacité d'adaptation, ta mère quant à elle avait décelé un potentiel intellectuel impressionnant. Tu apprenais vite, retenais vite, parlais vite, marchais vite, tu faisais tout trop vite d'après ton père, mais il ne pouvait pas dire que c'était mal fait. Au contraire, tu étais assidu, bien que tête en l'air à cause du fait que tu voulais tout faire en même temps … Regarder la télé ? Tu n'avais pas le temps, tu étais incapable de rester à rien faire, alors en grandissant, le son d'un feuilleton de Bruce Lee berçait tes séances de musculation dans ta chambre. L'adolescence arriva vite, elle aussi, très très vite.

Cet âge de comprendre plus de choses, d'apprendre encore davantage, de se poser des questions sur soi, sur ce que l'on voudrait être plus tard. Cette époque où l'on découvre l'amour pour la première fois, où l'on embrasse quelqu'un dans un nuage de papillons ventraux … Ton innocence n'était pas perdue malgré ton éducation chez les Yakuzas, et ta mère faisait très attention à ce que tu découvres les choses en temps et en heure. Tu étais quand même loin d'être un lover. Tu avais des exigences, et si la fille en face ne te plaisait pas, tu ne perdais pas de temps à la faire miroiter. Oh tu te souviens d'une rencontre avec la fille d'une autre famille de Yakuzas. Un bon ami de ton père. Tu étais tombé amoureux au premier regard. Le fait qu'elle soit plus vieille que toi ne te posait aucun problème, le seul qui existait en fait, c'était qu'elle ne te voyait même pas. Des mois et des mois durant, tu lui faisais la cour, lui offrais des cadeaux, lui écrivais des poèmes, des lettres d'amour, allais la chercher à son travail quand tu ne te perdais pas dans tes pensées. Tu avais fini par découvrir qu'elle sortait avec un type de son âge, tu compris rapidement qu'il n'était pas utile de perdre ton temps plus longtemps. Tu lâchas l'affaire, définitivement. Après quelques larmes de rage et un câlin de ta mère bien sûr. Première déception, première peine de cœur …

Après ta quinzième année, tu commençais à te demander si l'éducation traditionelle de ton clan suffisait. Avoir un prof à domicile avait certains avantages, mais tu n'avais pas la sensation d'apprendre suffisamment. Tu ressentais un vide, quelque chose te manquait et ce n'était pas la compagnie d'une fille, ou d'amis. Parce que tu en avais bien sûr, tu sortais très souvent après tout ... Ton coup de foudre officiel fut pour le jeu vidéo. En passant par les bornes d'arcade, les consoles portables, ton mobile, ou des consoles fixes ... Tu ne manquas aucune convention à partir de ce jour, tu te plaisais même à te cosplayer. Tu pouvais bien incarner des personnages musclés, aux cheveux longs (des cheveux entretenus, que tu ne coupais que pour l'entretien), pratiquant des arts martiaux ou autre style de combat, tu avais de la popularité. Tu appris dans ces eaux-là qu'Internet ne connaît aucune limite, et qu'avec un peu de connaissances, il est possible de tout faire. Alors tu t'enfermas des jours, des semaines, et des mois pour apprendre toi-même les secrets d'un ordinateur, d'un réseau informatique … Bien sûr, ton entourage s'inquiéta pour toi, mais quand tu commençais à parler de tes découvertes, de ta nouvelle passion, on se rendit compte que tu avais peut-être, enfin, trouvé ta voie. On envisagea donc de t'inscrire dans une faculté de Tokyo, dans les recherches informatiques …

Un diamant brut dans un marécage.
2019. Un test d'aptitude plus tard, on te donna une bourse de prestige pour intégrer une grande université de la capitale. Tu faisais apparemment parti des génies de ta génération, et plusieurs grandes facultés avaient donné un avis favorable à tes "vœux". Dire que tout fut beau et rose serait un grand mot. En fait, tu étais détesté par la plupart de tes "camarades", mais tu t'en fichais. On ne t'approchait pas, soit parce que tu étais un Yakuza et que tu n'avais jamais appris à le cacher, soit parce que tu étais le petit génie et que tu recevais des compliments à longueur de temps de la part des tuteurs.

Un virus dans les circuits.
2020. La crise sanitaire mondiale n'épargna pas ta famille. Un gars du clan perdit la vie à cause de ce virus, et cela poussa tout le Quartier à se réfugier chez lui. Tu avais fait la morale à ton père sur le fait qu'il ne prenait pas assez soin de lui, en cette période merdique. Le début d'année avait été difficile, mais pour la suite, il avait suffit d'attention pour éviter le pire. Le Japon était le pays qui s'en sortait le mieux d'après les Informations, alors tu ne t'en plaignais pas trop. Le plus chiant au départ, c'était les cours. Le système avait été trop compliqué, même si en soi, apprendre l'informatique depuis son ordinateur, c'était largement faisable. Cela ne t'avait pas trop dépayser, cependant, ce qui t'avait ennuyé, c'était de ne plus voir tes amis quelques temps. Le principal, c'est que tu avais survécu et ton clan aussi, dans la grande majorité.

Un poisson perdu dans un banc de requins.
2021. Tu fus sélectionné pour participer à un projet important, un certain Takahashi vint te proposer d'être stagiaire dans son entreprise, mais pour cela, il fallait que tu quittes Tokyo pour Okutama. Contraints de te laisser prendre ton envol malgré ton trop jeune âge, tes parents te donnèrent l'autorisation de voler de tes propres ailes. Bien sûr, ce ne fut pas sans larmes, sans anxiété de la part de ta mère surtout … Mais quelques jours plus tard, te voilà aux côtés d'un Homme qui se disait Sauveur de l'Humanité. Tu abandonnas les études, Takahashi disait que dans ces institutions, tu n'apprendrais que les bases, et que tu semblais déjà les avoir. Avec lui, tu découvris une nouvelle facette du monde.

Une ombre inquiétante.
Tu ne fus jamais sur le devant de la scène. Bien que tu ne sois pas timide, tu refusas que l'on t'associe à Detekuru Lab. Plus le temps passait, et plus les choses semblaient prendre une tournure tout à fait différente de ce qu'on t'avait vendu. Ton intellect explosait de joie dans ta carrière, tu te concentras là-dessus, plus que sur ton environnement. Tu étais comme un cheval de courses, tu fonçais tête baissée dans le mur, parce que tes œillères t'empêchaient de voir autour.

Le joyau a disparu.
"Yasuhisa Katsuki est porté disparu. Impossible de connaître les circonstances de sa disparition, aucun témoin ne peut nous dire ce qu'il s'est passé …" Voilà le début d'un article de la fin de l'année deux mille vingt quatre dans les mains du clan Yasuhisa, resté à Shinjuku pour te soutenir au loin. Ni une, ni deux, ton père chargea ses hommes de confiance de te retrouver, coûte que coûte, peu importe le temps que cela prendrait. En vain.

Le cristal, le matériau le plus résistant.
En été deux mille vingt huit, tu rendis une petite visite à tes parents. Tu y allais profondément changé, et ta mère remarqua immédiatement un changement chez toi. Toutes les questions que l'on te posa sur ta disparition restèrent sans réponses, tu étais devenu doué avec les mots, pour esquiver les sujets sensibles. Tu ne donnas que le strict minimum, tu allais bien et tu revenais pour parler affaires avec ton père. Ton retour à Tokyo fit du bruit à la capitale, les clans Yakuzas ont souvent des contacts étroits malgré leur rivalité, et la rumeur concernant ton retour d'entre les morts circula comme un feu suivrait une ligne de poudre noire. Tu ne restas que quelques mois malgré toi, malgré le fait que tu avais envie de passer du temps avec ta famille, retrouver ta précieuse maman. Ce fut donc après un accord avec ton paternel que tu posas officiellement tes valises à Okutama. Cette petite parcelle de terre qui allait devenir en mai deux mille vingt neuf une toute nouvelle ville technologique connue sous le nom de Okutama Technology and Ecology City.

Incassable, le cristal répandra sa fine poudre pour attirer la convoitise.
En t'installant là-bas, tu faisais d'une pierre plusieurs coups. Non seulement tu pourrais élargir l'influence de ton clan en devenant la seule et l'unique famille Yakuza d'OTEC mais en plus, tu pourrais te construire une toute nouvelle vie pour mieux apprécier ta vengeance sur Detekuru Lab. De l'argent sur un compte en Suisse, tu avais largement de quoi t'intégrer facilement dans la Nouvelle Société d'Okutama. La première chose pour laquelle tu as investi à ton arrivée, c'est un club de strip tease. Bien loin de forcer "tes filles" mais aussi "tes gars" à faire ce job, tu sauvais plutôt leur petit cul de la prostitution, de la drogue ou des rues (parfois les 3 réunis) pour leur offrir un travail un peu plus stable disons. Cet aspect de nuit, tu l'as aménagé au sous-sol de ton investissement. Le haut est beaucoup plus soft, un simple coffee shop avec des employés tout à fait respectable. Ton lieu de vie ne se situe pas loin de tes business, en effet, le bâtiment que tu as acheté comprend trois appartements. Deux d'entre eux sont à louer, quant à l'autre, il est occupé par toi et tes sales habitudes d'insomniaque.

Cela fait quelques mois que tu maintiens ton activité à flot, et tu dois bien avouer que ta vie est calme et sans histoires. Pour le moment du moins. Lorsque tu apprends le lancement d'un jeu à réalité virtuelle augmentée, tu t'inscris immédiatement comme testeur. Impossible que tu passes à côté, et pour t'assurer que tu serais dans le lot, tu n'hésites pas à proposer au Studio une aide financière considérable afin que le projet ne tombe pas à l'eau. Bien sûr, tu n'es pas le seul, tu n'es qu'une petite pièce sur l'échiquier, cependant, tu ne cherches pas à être sur le devant de la scène (cela vous rappelle quelque chose ?). Bien au contraire, tu préfères agir dans l'ombre et atteindre ton véritable objectif. En attendant, Memoria fera un excellent passe-temps et tu comptes bien t'y investir à fond.